Collège de la rue du Fil

Histoire du Collège de la Rue du Fil à Mulhouse

L’histoire du collège de la rue du Fil à Mulhouse est intimement liée à l’évolution de l’enseignement technique et textile de la ville. Cette adresse, située au 1 rue du Fil, a abrité plusieurs établissements d’enseignement successifs, reflétant les transformations industrielles et éducatives de Mulhouse au fil des décennies.

Les origines industrielles (1818-1896)

L’histoire du site commence avec l’industrie textile mulhousienne. En 1818, une filature de la société Frey & Cie est construite à cette adresse1. Ce grand bâtiment de cinq étages sur rez-de-chaussée témoigne de l’essor de l’industrie textile à Mulhouse, qui s’est développée depuis 1746 avec la création de la première manufacture d’impression sur étoffes par Jean-Henri Dollfus, Jean-Jacques Schmalzer et Samuel Koechlin23.

Le 17 avril 1896, un incendie ravage complètement la filature Frey & Cie. Les dégâts sont considérables, estimés à 800 000 marks, ne laissant qu’une partie de la façade extérieure1. Cet événement marque la fin de l’ère industrielle du site et le début de sa reconversion.

La reconstruction et l’occupation allemande (1897-1945)

En 1897, la société Frey & Cie entreprend la reconstruction de son usine sur le même emplacement1. Ces nouveaux locaux, construits à la fin du XIXe siècle, constituent l’ossature architecturale qui abrite encore aujourd’hui le lycée Charles Stoessel.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le 20 novembre 1941, la Maison Frey & Cie vend l’immeuble à la société allemande A.E.G. (Allgemeine Elektrizitätgesellschaft), qui y fabrique du petit matériel pour la Luftwaffe1. Cette période sombre se termine avec la Libération.

La naissance de l’enseignement technique (1945-1947)

Le 1er mars 1945, une partie des locaux devient un Centre de rapatriement pour les prisonniers de guerre et les déportés. L’Office Départemental des Anciens Combattants et Victimes de guerre occupe les lieux jusqu’au 15 mars 19471.

Le 3 novembre 1946 marque un tournant décisif : le CRAT (Centre Régional d’Apprentissage Textile) ouvre ses portes1. Sa vocation est de former des ouvriers hautement qualifiés pour l’industrie textile, notamment des mécaniciens d’entretien, de filature et de tissage. L’école est officiellement inaugurée le 10 mai 19471.

L’évolution vers l’enseignement technique moderne

De 1958 à 1962 : Un usage universitaire temporaire

Parallèlement à l’enseignement technique textile, les locaux de la rue du Fil servent d’hébergement provisoire au Collège Scientifique Universitaire de Mulhouse de 1958 à 196245. Cette institution, créée le 17 novembre 1958, dépend de la Faculté des Sciences de Strasbourg et assure la préparation au certificat d’études supérieures de mathématiques, physique et chimie4.

Les locaux de la rue du Fil sont « aimablement mis à disposition par le Ministère de l’éducation nationale en attendant la construction d’un nouvel ensemble universitaire » à l’Illberg4. Cette cohabitation temporaire entre l’enseignement technique textile et l’enseignement universitaire illustre l’importance de ce site dans l’histoire éducative mulhousienne.

Les transformations du CRAT (1964-1989)

Entre 1964 et 1975, le CRAT change de dénomination et devient le Centre d’Enseignement Technique du Textile1. Cependant, face au déclin de l’industrie textile française, l’établissement doit se réorienter. Il évolue ainsi vers le Collège d’Enseignement Technique de la Mécanique, puis vers le Lycée d’Enseignement Professionnel de la Mécanique1.

Entre 1988 et 1989, le L.E.P. de la Mécanique s’enrichit de formations en électronique et électrotechnique. Le 10 juin 1989, l’établissement devient officiellement le Lycée Professionnel Régional Charles Stoessel1, nom qu’il porte encore aujourd’hui.

Le contexte textile mulhousien

Cette évolution s’inscrit dans l’histoire plus large de l’industrie textile mulhousienne. Mulhouse, surnommée la « Manchester française »6, a été un centre majeur de l’industrie textile européenne. La ville comptait de nombreuses écoles techniques liées au textile :

  • L’École de chimie créée en 18227
  • L’École théorique et pratique de tissage mécanique fondée en 18618
  • L’École de filature créée en 18647
  • L’École de filature et de tissage créée en 18687

Ces institutions ont formé des générations d’ingénieurs et de techniciens qui ont contribué au rayonnement international de l’industrie textile alsacienne6.

Charles Stoessel, l’homme qui donne son nom au lycée

Charles Stoessel (1922-1966) était un ingénieur et homme politique alsacien9. Diplômé de l’école nationale d’ingénieurs de Constance en Allemagne, il s’installe à Mulhouse en 1944 où il exerce les fonctions de professeur et chef des travaux au collège d’enseignement technique du textile109.

Sa carrière politique est remarquable : élu au conseil municipal de Mulhouse en 1959, il devient premier adjoint au maire, puis conseiller général de Mulhouse-Sud en 1964, et enfin sénateur du Haut-Rhin en 19659. Il décède tragiquement dans un accident de la route le 14 octobre 1966, à l’âge de 43 ans9.

Le lycée aujourd’hui

Aujourd’hui, le lycée Charles Stoessel est un lycée des métiers qui accueille plus de 380 élèves dans des formations diversifiées10. L’établissement a su s’adapter aux évolutions technologiques en proposant des formations en :

  • Cybersécurité, informatique et réseaux, électronique11
  • Métiers du commerce et de la vente11
  • Maintenance des systèmes de production connectés11

L’établissement occupe une superficie de 16 256 m² avec 6 402 m² de bâtiments, dont 3 400 m² dévolus aux enseignements, répartis sur 4 niveaux avec 92 salles et 6 plateaux techniques10.

Une histoire emblématique de l’évolution industrielle

L’histoire du collège de la rue du Fil à Mulhouse illustre parfaitement les mutations de l’industrie et de l’enseignement technique français. D’une filature textile du XIXe siècle à un lycée professionnel moderne, ce site a traversé les époques en s’adaptant aux besoins économiques et sociaux de chaque période.

Cette évolution témoigne de la capacité d’adaptation de l’enseignement technique mulhousien, qui a su préserver son patrimoine architectural tout en modernisant ses contenus pédagogiques. Le lycée Charles Stoessel perpétue aujourd’hui cette tradition d’excellence dans la formation professionnelle, héritière d’une longue histoire d’innovation éducative liée au développement industriel de Mulhouse.

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