William Wyler : L’Alsacien qui conquit Hollywood
Un enfant de Mulhouse devenu légende du cinéma américain
William Wyler (1902-1981) demeure l’un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma américain. Né Wilhelm Weiler le 1er juillet 1902 à Mulhouse, alors sous l’Empire allemand, ce fils d’un commerçant suisse et d’une mère allemande d’origine juive allait devenir le cinéaste le plus nominé aux Oscars dans la catégorie « Meilleur réalisateur » avec un record absolu de douze nominations12.
Des origines alsaciennes à l’aventure américaine
Enfance et jeunesse mulhousienne
William Wyler grandit dans une famille de commerçants établie à Mulhouse. Son père, Léopold Wyler, d’origine suisse, tenait un magasin de lingerie rue du Sauvage, tandis que sa mère, Mélanie Auerbach, était allemande34. La famille déménage plusieurs fois dans la ville : de la rue de Zurich où naît William, à la rue de Metz près du Bollwerk, puis rue de Reims en 1911, et enfin rue de Ferrette56.
Le jeune Willi, comme on l’appelait alors, reçoit une éducation cosmopolite. Il fréquente les écoles mulhousiennes et développe une réputation de « petit démon » qui lui vaut plusieurs renvois pour mauvaise conduite7. Sa mère l’emmène souvent au cinéma et aux spectacles, cultivant ainsi son goût pour les arts7.
Le départ vers l’Amérique
En 1919, après la fin de la Première Guerre mondiale et le retour de l’Alsace à la France, William rejoint son frère à Lausanne pour parfaire ses études5. Insatisfait par ses emplois successifs – vendeur dans le magasin familial puis commis dans le commerce parisien – il saisit l’opportunité offerte par Carl Laemmle, le fondateur d’Universal Studios et cousin de sa mère13.
À 19 ans, en 1922, William Wyler embarque pour New York avec Laemmle. Il commence comme attaché de presse au studio Universal avant de rejoindre Hollywood, où il gravit progressivement les échelons : assistant monteur, assistant réalisateur, puis enfin réalisateur89.
L’ascension d’un maître du cinéma
Les débuts dans le western
En 1925, William Wyler devient le plus jeune réalisateur d’Universal et se fait la main sur une trentaine de westerns de série B103. Ces films courts, souvent des « deux bobines », lui permettent d’apprendre son métier et de développer sa technique. Il réalise son premier long métrage sonore, « Hell’s Heroes » (Les Héros de l’enfer), en 1929, première production sonore d’Universal filmée entièrement en extérieurs23.
La collaboration avec Samuel Goldwyn
En 1936, Wyler quitte Universal et entame une collaboration fructueuse avec le producteur Samuel Goldwyn. Cette association marque un tournant dans sa carrière. Son premier film pour Goldwyn, « These Three » (Ils étaient trois), fait sensation et le place parmi les maîtres du cinéma américain118.
C’est également à cette époque qu’il développe sa technique caractéristique de la profondeur de champ, en collaboration avec le célèbre directeur de la photographie Gregg Toland. Cette approche permet au spectateur de « faire lui-même son propre découpage » et devient la signature visuelle de Wyler117.
Le perfectionnisme légendaire
Wyler développe rapidement une réputation de perfectionniste exigeant. Surnommé « Wyler-les-90-prises » ou « Willy 40 prises », il n’hésite pas à faire tourner de nombreuses prises pour obtenir l’effet désiré1112. Cette méthode, bien que frustrante pour les acteurs, s’avère payante : de nombreux comédiens remportent des Oscars pour leurs performances dans ses films11.
Les chefs-d’œuvre et les récompenses
La trilogie oscarisée
William Wyler remporte trois Oscars du meilleur réalisateur pour trois films qui obtiennent également l’Oscar du meilleur film213 :
- « Madame Miniver » (1942) : Un hommage au courage britannique pendant le Blitz
- « Les Plus Belles Années de notre vie » (1946) : Une fresque sur le retour des soldats à la vie civile
- « Ben-Hur » (1959) : Le péplum monumental qui établit un record avec 11 Oscars
Les autres succès majeurs
Sa filmographie comprend de nombreux classiques du cinéma américain110 :
- « L’Insoumise » (1938) avec Bette Davis
- « Les Hauts de Hurlevent » (1939) avec Laurence Olivier
- « Vacances romaines » (1953) avec Audrey Hepburn et Gregory Peck
- « La Loi du Seigneur » (1956), Palme d’or à Cannes
Au total, ses films accumulent 127 nominations et 40 Oscars, un record dans l’histoire du cinéma1415.
L’engagement pendant la Seconde Guerre mondiale
Le cinéaste-aviateur
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Wyler interrompt sa carrière pour s’engager dans l’armée de l’air américaine. Entre 1942 et 1945, il sert comme major puis lieutenant-colonel et participe à des missions de bombardement en Europe1116.
Les documentaires de guerre
Wyler réalise plusieurs documentaires de guerre remarquables1617 :
- « The Memphis Belle » (1944) : Documentaire sur les équipages de bombardiers B-17
- « Thunderbolt » (1947) : Film sur les pilotes de chasse P-47 en Italie
Ces films, tournés au péril de sa vie, témoignent de son engagement pour la démocratie. L’un de ses cameramen, Harold Tannenbaum, est tué lors d’une mission16. Wyler lui-même perd l’audition d’une oreille à cause des bombardements1712.
L’opposition au maccarthysme
Après la guerre, face à la montée du maccarthysme, Wyler co-fonde avec John Huston, Myrna Loy et Philip Dunne le « Comité pour le premier amendement » qui défend la liberté d’expression118. Cette initiative soutient les artistes persécutés lors de la chasse aux sorcières hollywoodienne.
La vie privée et familiale
Les mariages
William Wyler connaît deux mariages. Le premier, avec l’actrice Margaret Sullavan en 1934, se solde par un divorce en 19361920. En 1938, il épouse Margaret Tallichet, actrice également, avec qui il fonde une famille stable2119.
La descendance
De son union avec Margaret Tallichet naissent cinq enfants : Catherine, Judith, William Jr., Mélanie et David422. Ses filles, restées proches de leurs origines alsaciennes, se rendent régulièrement à Mulhouse et ont notamment offert une bourse de 10 000 dollars à la ville en 2022 pour soutenir les jeunes talents cinématographiques22.
L’attachement aux origines alsaciennes
Les retours à Mulhouse
Malgré sa réussite américaine, Wyler n’oublie jamais ses origines mulhousiennes. Il revient régulièrement dans sa ville natale, notamment lors de la libération de Mulhouse en novembre 1944, où il se rend en uniforme d’officier américain235.
Lors d’une interview au Festival de Cannes en 1957, il déclare : « Je suis né et élevé à Mulhouse en Alsace »23, revendiquant clairement ses origines alsaciennes. Son dernier passage à Mulhouse date de septembre 1979, deux ans avant sa mort23.
La reconnaissance posthume
Mulhouse honore sa mémoire avec l’allée William Wyler qui borde le Nouveau Bassin, une plaque commémorative devant sa maison natale, et une fresque murale réalisée en 202224. La ville a également créé la bourse William Wyler pour soutenir les jeunes talents dans les métiers du cinéma2526.
Un héritage cinématographique exceptionnel
L’influence sur le cinéma moderne
William Wyler révolutionne le langage cinématographique par sa maîtrise de la profondeur de champ et ses cadrages sophistiqués. Sa technique influence durablement le cinéma américain et inspire des générations de réalisateurs2728.
La reconnaissance critique
Bien que parfois controversé par les critiques français qui lui reprochent un certain académisme, Wyler est universellement reconnu comme l’un des plus grands cinéastes de l’âge d’or hollywoodien2927. Son perfectionnisme et sa capacité à transformer des adaptations littéraires en succès populaires font de lui un créateur unique.
La fin d’une carrière exceptionnelle
William Wyler s’éteint le 27 juillet 1981 à Los Angeles, à l’âge de 79 ans215. Il laisse derrière lui une œuvre considérable de 46 films réalisés entre 1925 et 1970, marquant cinq décennies de création cinématographique15.
Son parcours exceptionnel, de l’enfant de Mulhouse au maître d’Hollywood, illustre parfaitement le rêve américain tout en témoignant de l’importance des racines culturelles dans la formation d’un artiste. William Wyler demeure un ambassadeur de l’Alsace à Hollywood et un symbole de l’excellence cinématographique américaine.
Filmographie:
La filmographie de William Wyler est l’une des plus riches et variées du cinéma américain, couvrant plus de quarante ans de carrière. Voici une sélection de ses films les plus marquants, classés par ordre chronologique, incluant ses œuvres majeures ainsi que quelques titres emblématiques de ses débuts1234:
Années 1920-1930 : Les débuts et la maîtrise du western
- 1926 : Lazy Lightning, The Stolen Ranch, The Fire Barrier
- 1927 : Hard Fists, Straight Shootin’, Blazing Days
- 1928 : Thunder Riders, Anybody Here Seen Kelly?
- 1929 : The Shakedown, Hell’s Heroes (premier grand succès sonore)
- 1930 : The Storm
- 1931 : A House Divided
- 1932 : Tom Brown of Culver
- 1933 : Counsellor at Law
- 1934 : Glamour
- 1935 : The Good Fairy
Années 1936-1941 : L’ascension à Hollywood
- 1936 : These Three, Dodsworth, Come and Get It (codirigé avec Howard Hawks)
- 1937 : Dead End
- 1938 : Jezebel (L’Insoumise)
- 1939 : Wuthering Heights (Les Hauts de Hurlevent)
- 1940 : The Westerner, The Letter
- 1941 : The Little Foxes (La Vipère)
Années 1942-1949 : L’âge d’or et les Oscars
- 1942 : Mrs. Miniver (Madame Miniver) — Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur
- 1944 : The Memphis Belle: A Story of a Flying Fortress (documentaire de guerre)
- 1946 : The Best Years of Our Lives (Les Plus Belles Années de notre vie) — Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur
- 1949 : The Heiress (L’Héritière)
Années 1950 : Les chefs-d’œuvre et la diversité des genres
- 1951 : Detective Story (Histoire de détective)
- 1952 : Carrie (Un amour désespéré)
- 1953 : Roman Holiday (Vacances romaines)
- 1955 : The Desperate Hours (La Maison des otages)
- 1956 : Friendly Persuasion (La Loi du Seigneur) — Palme d’or à Cannes
- 1958 : The Big Country (Les Grands Espaces)
- 1959 : Ben-Hur — Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur
Années 1960-1970 : Derniers grands films
- 1961 : The Children’s Hour (La Rumeur)
- 1965 : The Collector (L’Obsédé)
- 1966 : How to Steal a Million (Comment voler un million de dollars)
- 1968 : Funny Girl
- 1970 : The Liberation of L. B. Jones (On n’achète pas le silence)
Documentaires de guerre
- The Memphis Belle: A Story of a Flying Fortress (1944)
- Thunderbolt! (1947)
William Wyler a également été reconnu pour sa capacité à diriger des acteurs vers l’Oscar et pour sa polyvalence, passant du western à la comédie romantique, du drame social au film historique monumental1234.

